Ma crainte est inverse à pas mal d'intervenants. Ma hantise est que mes enfants deviennent des existes en puissance.
Je trouve impressionnant la vitesse à laquelle les enfants intègrent les normes genrées. Je vois le résultat sur mon fils ainé à trois ans et demi, après trois ans de crèche. Depuis six mois, il nous sort régulièrement du "les filles/garçons ça fait ça" ou du "ça c'est pour les garçons/filles". C'est pourtant pas faute de le reprendre systématiquement. A table, nous avons un jeu de verres de plusieurs couleurs. Il fut un temps où il aimait bien le rose. Maintenant, il le refuse systématiquement, voire essaie de le refourguer à sa mère. C'est moi qui récupère le verre honni, afin de déconstruire la norme, mais c'est pas simple de faire réfléchir un gamin de 3 ans et demi, à un age où il entre facilement dans un jeu d'opposition avec ses parents.
Il y a aussi le fait que le fonctionnement du foyer sert à l'enfant à jauger et relativiser, ou à l'inverse assimiler les normes genrées. La poule pondeuse l'explique bien avec son exemple sur la conduite de la voiture. Il faut rester vigilent sur son propre comportement lorsqu'il risque de renforcer des normes genrées.
Autre anecdote : dans un jardin public, mon fils se dispute avec une fille un peu plus jeune que lui et la pousse par terre. Réactions de parents civilisés, je gronde mon fils, lui demande de s'excuser, la mère de la fillette dédramatise la situation... et de me dire "c'est normal, c'est un garçon". J'ai répondu que ce n'était pas une excuse et c'en est resté là, mais ça fait bizarre.
C'est aussi depuis que j'ai des enfants que je peux mesurer pleinement le sexisme de ma propre mère, inquiète que mes garçons comptent parmi leurs jouets des poupées et de la dinette.
En fait, pour moi qui peux cocher toutes les cases du formulaire des privilèges, élever mes enfants est la meilleure manière de mettre en pratique les valeurs féministes que je revendique, mais pour lesquelles je ne me suis jamais réellement engagé jusqu'ici.
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